Alors que le monde peine à sortir d’une crise protéiforme, le concept de « territoire intelligent », jusque là associé à la notion d’innovation technologique, prend une nouvelle dimension : plus connecté humainement, plus écologique, solidaire et inclusif… En deux mots : durable et résilient. 

Territorialiser les ODD

Les 17 Objectifs de Développement Durable (ODD) définis par les Nations-Unies étaient jusque-là perçus comme un cadre universel de coopération internationale. Ils ont trouvé, à marche forcée, un champs d’application plus local : face à l’urgence vitale, les communes, les villes, les régions sont devenues le périmètre privilégié de l’action pour protéger leurs populations.

Les enseignement de la crise ont ainsi fait du territoire l’échelon crucial pour relever concrètement des défis majeurs que l’on ne dissocie plus : santé, climat, biodiversité, inégalités sociales…

 Cette territorialisation des enjeux, sanitaires, environnementaux, sociaux et économiques offre aujourd’hui une nouvelle grille d’analyse et d’action qui sont autant de domaines de progrès pour accélérer la mise en oeuvre de l’agenda international 2030.

La crise sanitaire ou la grande convergence des crises : quels effets collatéraux avec les ODD ?

La crise sanitaire a mis les territoires sous extrême tension jusqu’au chaos : saturation des infrastructures de soins et des services d’assistance aux personnes, interruptions de la chaîne d’approvisionnement alimentaire, désorganisation et paralysie des transports et mobilités, accentuation des disparités sociales et isolement des populations fragiles, cessation des activités économiques et impacts sur  l’emploi… Ces situations critiques sont autant de répercussions qui auraient pu être évitées, anticipées et maîtrisées par une meilleure appréhension des enjeux de développement durable.

Les 17 Objectifs de Développement Durable des Nations Unies.

Pour n’avoir pas été ignorés, ceux-ci n’ont été jusque-là que partiellement, et de façon très segmentée, pris en compte dans l’élaboration des politiques locales et les outils de planification. Au-delà, ces situations inédites ne font qu’amplifier la pertinence et l’importance de ce référentiel universel  – l’un des seuls – que sont l’agenda 2030 des Nations-Unies et ses 17 objectifs de développement durable.

Car cette crise agit avant tout comme un révélateur des dysfonctionnements qui y ont conduit : la croissance effrénée des villes, leur grande dépendance au modèle de globalisation de la production, de la consommation et des échanges, l’oubli, voire le déni de l’interconnexion entre l’homme et la nature sont aujourd’hui considérés par la majorité des experts et scientifiques légitimes comme des facteurs directs d’émergence et de transmission du virus Covid-19.

De nouveaux liens sont dorénavant clairement établis entre santé, biodiversité, climat : à trop sous-estimer la santé du monde du vivant et des écosystèmes dans son ensemble, l’Homme met la sienne en péril » ; à repousser sans cesse la réduction drastique des émissions de CO2, la question de la pollution de l’air devient corrélé à celle la transmission du virus ; à segmenter les sujets nous nous exposons au cumul désastreux de la crise sanitaire, crise climatique et crise économique.

Villes et métropoles intelligentes : connecter les solutions et les acteurs pour organiser la résilience

À travers cette crise, les territoires ont aussi et surtout prouvé leur capacité d’initiative et d’ingéniosité en actionnant la puissance de la solidarité. Les élus, les entreprises, les acteurs associatifs et de l’entrepreneuriat social, les populations se sont mobilisés au plus fort de l’état d’urgence pour gérer les situations locales et mettre en place des initiatives.

Preuve a été faite qu’il est possible d’établir des stratégies alternatives comme celles qui se sont organisées pour assurer la continuité de l’approvisionnement alimentaire : solutions de  distribution, soutien aux circuits courts, préservation de l’agriculture paysanne, accompagnement des personnes précaires, accueil des enfants des personnels du secteur de l’alimentation…

Cette expérience et connaissance empirique fournissent aujourd’hui un puissant levier de transformation pour penser et designer les stratégies territoriales en connectant les solutions et l’ensemble des acteurs. À commencer par les entreprises qui ont fait la preuve qu’elles pouvaient « transformer leurs outils de fabrication et créer de nouvelles filières » pour répondre à une demande urgente (textile médical, masques, gel hydro-alcoolique…).

Les ODD fournissent aujourd’hui un cadre de référence pour penser, avec l’ensemble des parties prenantes, ces  mutations dans de multiples domaines : comment garantir l’accès aux soins pour tous en période de crise (ODD 3), le maintien de l’activité et de l’emploi (ODD8), la continuité des services d’eau (0DD 6) ; adapter les infrastructures aux gestes sanitaires et innover en matière de digitalisation et de gestion des datas (ODD9) ; apporter de façon pérenne des solutions concrètes pour la ville durable et inclusive des plus fragiles (ODD 11) ; réduire notre dépendance énergétique à travers les énergies renouvelables (7) et alimentaire à travers des modes de consommation et de production responsable (ODD12) ; prendre des mesures contre le changement climatique (ODD 13) ; dépressuriser la demande sur les ressources naturelles et protéger les écosytèmes  (ODD 14 et 15) ; protéger les populations et garantir une réponse à leurs besoin vitaux (ODD 1 et 2) ?

Toutes ces questions ont en commun un lien bilatéral avec la COVID 19. Toutes posent la question du couplage économie-écologie-social. Et toutes demandent aujourd’hui des réponses ciblées, localisées, adaptées aux spécificités du territoire et articulées avec l’ensemble des acteurs privés et publics, et la société civile.

 

Covid 19 et Objectifs du Développement Durable ODD

Territoires résilients : un enjeu d’efficience, de leadership et d’attractivité

L’enjeu est donc de dessiner un nouveau modèle de gouvernance territoriale connecté aux urgences de notre temps et aux attentes sociétales. Les villes et les régions sont dotées de compétences clés pour la plupart des domaines de l’action publique sur lesquels reposent les ODD, tels que l’eau, le logement, les transports, les infrastructures, l’aménagement du territoire ou le changement climatique.

On estime même que 65 % des 169 cibles qui sous-tendent l’ensemble des 17 ODD ne pourront être atteintes sans la participation des administrations locales et régionales.

À l’heure du plan de relance, certains territoires affirment déjà un certain leadership pour traduire les enjeux internationaux et nationaux de développement durable à l’échelle locale ou régionale, à l’instar du GIEC normand pour le climat qui définit une stratégie systémique pour dessiner une « vision à 50 ans de ce que sera la Normandie pour le bâti, la mobilité, l’énergie, et l’inclusion sociale ».

Bien que dédiée à la question de la prévention et de l’adaptation au changement climatique, cette initiative montre la voie d’une ambition renouvelée pour que les responsables locaux et régionaux, sur leur périmètre de compétences, définissent de nouveaux plans d’action des politiques publiques adaptant l’ensemble des ODD aux conditions locales. Car l’appropriation de l’agenda 2030 n’est bien-sûr pas une fin en soi.

Cette trajectoire est aussi et avant tout un cadre solide pour élaborer des stratégies, définir les plans d’actions et les outils de planification, flécher les investissements vers des actions à impact, organiser la recherche et le développement pour faire émerger et promouvoir les solutions innovantes. Il agit aussi comme une dynamique pour plus de cohérence et de transversalité des politiques publiques et pour  construire les partenariats entre les acteurs et dialoguer avec les citoyen.ne.s ; c’est enfin un outil de reporting et de valorisation des initiatives locales qui participent de la transformation de leur ville ou de leur région. De ce point de vue les acteurs territoriaux, qui ont à y gagner l’attractivité de leur territoire, sont les précieux artisans d’une relance « économique, écologique et solidaire » qui devra porter la France au rang des nations alignées sur le constat d’urgence absolue à modifier nos modèles de société.

Vanessa Logerais

Présidente, directrice générale de l’agence Parangone Fondatrice de COP Runner et de Parangone Media.

Retrouvez l’intervention de Vanessa Logerais lundi 21 septembre dans le cadre de la Semaine du développement durable et du programme La France en Transition, une série de rendez-vous connectés, du lundi 21 au 25 septembre. A retrouver en replay sur www.anniversaire-odd.fr #Agenda2030_FR #LaFranceEnTransition @Agenda2030FR

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