Entretien avec Clothilde Guilbaud, Consultante Climat CGD 

Clothilde est ingénieure en génie civil spécialisée dans la maitrise d’ouvrage et l’aménagement du territoire. C’est en tant que responsable de la maintenance des infrastructures et ouvrages bâtis chez Voies navigables de France, qu’elle a été confrontée à la problématique de pérennité du patrimoine bâti et aux évolutions des milieux naturels sous les effets des changements climatiques.  

Cette expérience l’a amenée à vouloir faire partie de la solution et à se spécialiser dans la politique climatique. Clothilde travaille aujourd’hui comme consultante indépendante. Parangone a choisi de l’intégrer dans son comité d’experts pour renforcer son accompagnement auprès des entreprises et éclairer les enjeux d’intégration des ESRS environnement de la CSRD. 

 

En tant que consultante climat, comment as-tu accueilli la CSRD ? 

Au regard des enjeux climatiques et écologiques auxquels nous devons faire face, la CRSD est un grand pas dans la clarification de ce qu’est une politique environnementale.  

Les indicateurs environnementaux sont largement enrichis, et portent maintenant sur 5 champs distincts : changement climatique, pollution, biodiversité et écosystèmes, ressources aquatiques et marines, économie circulaire. 

Ce cadre permet de pousser plus loin les curseurs, de façon harmonisée et pour un nombre élargi d’entreprises.  

Il faut le considérer comme une véritable opportunité de construire une stratégie environnementale solide, utile et éclairée.   

 

Les entreprises sont devenues frileuses pour exprimer leurs engagements climat depuis que la neutralité et la compensation carbone ont été montrées du doigt. Selon toi, sur quels piliers doit reposer une stratégie climat robuste ?  

 Une stratégie climat peut utilement s’appuyer sur 2 piliers, qui sont d’ailleurs les axes de travail du GIEC :  

  • L’atténuation est l’action la plus répandue actuellement. Il s’agit de chercher à réduire l’impact de ses activités, autrement dit de réduire ses émissions de gaz à effet de serre. Il s’agit couramment de réaliser son bilan carbone. Cette action prend son sens à condition « de faire parler » les résultats du BEGES, d’établir ensuite un plan de transition pertinent, qui entre dans la stratégie nationale bas carbone, et de le suivre dans le temps. 
  • L’adaptation est moins connue et pourtant tout aussi nécessaire, et fait d’ailleurs son apparition dans la CSRD. Il s’agit ici d’évaluer la façon dont le changement climatique impacte ses activités, autrement dit d’évaluer ses vulnérabilités climatiques. Cette démarche permet d’engager un plan d’adaptation pour améliorer la résilience de ses activités. Ces réflexions stratégiques sont particulièrement pertinentes dans le cadre de chaîne de valeur complexes et/ou internationalisées, ce qui est très souvent le cas lorsqu’on tient compte de l’amont et de l’aval de ses activités.  

  

Les objectifs climatiques peuvent parfois paraitre flous ou difficiles à fixer. Quels objectifs se donner à l’échelle d’une entreprise ? À partir de quels repères ? 

Des cadres internationaux existent et permettent de se fixer une référence en fonction du secteur d’activité dans lequel évolue l’entreprise. On pense par exemple au SBTi (Science Base Target) qui aide à définir des objectifs carbones alignés sur les connaissances scientifiques.  

En France, dans l’alignement de l’UE, les objectifs de neutralité carbone en 2050 sont aussi définis, par secteurs d’activité, au sein notamment de la stratégie nationale bas carbone, la SNBC.  

Encore plus simplement, une neutralité carbone en 2050, c’est un objectif zéro émission nette. C’est en premier lieu chercher à s’approcher au maximum du zéro, et compenser le reliquat que l’on ne parvient pas à supprimer.  

Le défi est aujourd’hui tout autant dans la définition et la mise en œuvre des trajectoires que dans la cible.  

  

Qu’apporte la CSRD sur la question du reporting de la politique climat d’une entreprise ? 

Globalement, la CSRD vient mettre la lumière sur les plans de transition et d’adaptation, et fait des trajectoires un enjeu central. Il y a de nombreuses évolutions, j’en évoquerai deux parmi les plus impactantes :  

  • Le scope 3 est dorénavant intégré au reporting. Cela signifie que toute la chaîne de valeur est auditée, y compris les émissions indirectes associés à l’amont et à l’aval. 
  • Les scénarios climatiques retenus pour élaborer les plans de transition et d’adaptation doivent être explicités, et faire référence à des modélisations scientifiques. Il faut naviguer entre les scénarios à 1,5°C et les « scénarios du pire », (le SSP5-8.5 du GIEC par exemple).   

Le challenge posé par la CRSD est de taille, tout comme l’est le changement climatique.  

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