Entretien avec Julien Baudry, agriculteur vendéen bio
Après 20 ans de carrière auprès des grandes exploitations agricoles de sa région, Julien Baudry décide en 2022 de reprendre la ferme de son oncle et sa tante dans les Pays de la Loire et de se lancer dans le maraichage diversifié bio. Avec sa femme Adeline, ils fondent Les Jardins Du Prémongis où ils cultivent des fruits et légumes sur 1 hectare pour le moment, (le reste de la surface, 2.5 hectares, seront convertis en bio en septembre 2024) et tiennent un magasin de vente directe pour proposer leurs récoltes en circuit court au gré des saisons.
Parangone a croisé le chemin de Julien et Adeline grâce à son programme de compensation carbone mené auprès de OCO (cf notre article du 8 novembre 2023), qui cherche les financements pour soutenir les projets d’agroforesterie pour soutenir l’agriculture durable.
L’actualité agitée autour des questions agricoles et des reculs sur plusieurs mesures écologiques a présenté l’occasion d’échanger avec Julien sur les enjeux de la transition écologique de l’agriculture.
De l’agriculture conventionnelle à l’agriculture biologique
Quel a été l’élément déclencheur qui vous a donné envie de vous tourner vers une agriculture biologique ?
Il n’y a pas un élément déclencheur mais plutôt un ensemble d’éléments. Ce projet on l’avait dans un petit coin de notre tête depuis des années. C’était une évidence pour nous que ce serait un projet à taille humaine, avec une volonté d’aller vers une agriculture responsable qui prend soin du vivant. J’ai eu envie de réinventer mon métier, de donner du sens à ce que je fais, de contribuer à notre petite échelle à une agriculture et une alimentation locale plus responsable. Nos filles et leurs convictions ont également contribué à cette prise de conscience.
Quelles ont été les prochaines étapes pour mettre en place votre exploitation
biologique tant sur le plan pratique qu’administratif ?
Sur le plan pratique, ça a été assez simple, en effet 1 hectare sur les 4 était directement convertissable en bio, car c’était de la prairie depuis 20 ans. Pour le reste de la surface, on a directement enclenché une demande de conversion.
Sur le plan administratif, ça a été un peu plus contraignant : beaucoup de dossiers à monter dans le cadre de la DJA (ndlr : Dotation Jeune Agriculteur – aide financière destinée à faciliter une première installation financée à 80% par l’Union Européenne et 20% par l’Etat), choisir un organisme certificateur, constituer les dossiers d’urbanisme…
Quels sont pour vous, qui avez une longue expérience de l’agriculture conventionnelle, les principaux atouts de l’agriculture biologique ?
Selon moi, les principaux atouts de l’agriculture bio sont :
- Un sol vivant et fertile, riche en matières organiques
- Une maitrise de l’origine des intrants, comme le fumier bio et local que nous utilisons
- La biodiversité préservée
- Des produits plus sains
Le fait d’avoir construit nos jardins en agriculture biologique me permet aussi d’être en harmonie avec mes convictions.
Aligner l’agriculture et l’écologie
Quelle est la principale contrainte selon vous, qui retient les agriculteurs français à franchir le pas de la transition écologique ?
La transition vers le bio demande un changement radical de façon de faire et d’état d’esprit.
Sur certaines exploitations, où plusieurs générations travaillent ensemble, j’imagine qu’il est parfois difficile de convaincre les générations précédentes qui « ont toujours fait comme ça » de l’intérêt de changer de modèle d’agriculture.
La période de conversion de 2 à 3 ans peut être compliquée à gérer pour quelqu’un qui est déjà installé. En effet, il faut cultiver en bio, avec le risque d’avoir des rendements inférieurs, d’être différemment exposé aux nuisibles et aux maladies sans pour autant pouvoir valoriser ses produits en bio. A l’heure où les exploitations sont fragilisées par les crises sanitaires et économiques c’est un défi de taille à relever, mais tellement important !
Quel est votre regard sur l’actualité, qui a tendance à opposer l’agriculture et le mouvement écologiste ? Comment réconcilier l’agriculture et l’écologie, qui au fond prônent les mêmes valeurs ?
Les agriculteurs, quel que soit le modèle d’agriculture qu’ils utilisent, sont avant tout des amoureux de la terre, à qui ils dédient une grande partie de leur vie.
Pour moi, nous avons tous un rôle essentiel à jouer pour réconcilier l’agriculture et l’écologie, en premier lieu auprès de nos jeunes, que ce soit en tant que parents, consommateurs ou collectivités.
Aujourd’hui 50% des fruits et légumes consommés en France sont issus de l’importation.
C’est à nous en tant que consommateur d’apprendre à nos enfants à consommer autrement, à privilégier les circuits courts, de leur expliquer qu’il n’est pas cohérent de manger des tomates ou des fraises en hiver et surtout de leur montrer l’exemple.
Le modèle d’agriculture durable, qui assure la pérennité des systèmes de production agricoles en répondant aux enjeux sociaux, économiques et écologiques, et qui a pour objectif de préserver, voire d’améliorer les ressources naturelles tout en produisant suffisamment, semble être un bon compromis.