Entretien avec Jérôme Armand,

Co-fondateur d’Orseo

 

L’élaboration d’une politique d’achats responsables est une démarche cruciale quand l’entreprise souhaite créer une chaîne de valeur responsable et flécher ses dépenses vers des fournisseurs et prestataires engagés. Parangone vous partage l’interview de Jérôme Armand, co-fondateur d’Orseo. Cette ESS fondée en 2020 a une double ambition : accompagner les entreprises dans leur recherche de sous-traitants responsables pour les achats indirects et les services généraux ; cultiver l’esprit RSE en luttant contre la précarité des emplois sous valorisés et pourtant si contributifs à la qualité de vie au travail.

 

Penchons-nous dans un premier temps sur les prestataires qu’Orseo référence et accompagne dans leur progrès en termes de responsabilité sociétale. Combien sont-ils et de quelles prestations de services s’agit-il concrètement ?

Nous référençons aujourd’hui plus de 150 prestataires, dans une quinzaine de métiers de l’environnement de travail, plus communément appelés les services généraux. Ce sont des métier comme le nettoyage, la gestion de déchets, la sécurité, l’entretien des espaces verts, l’aménagement de bureau. C’est aussi des traiteurs, des fournisseurs de fontaines à eau ou de paniers de fruits et bien d’autres.

Le référencement s’enrichit au fur et à mesure de l’évolution des prestataires d’un côté, et des demandes clients de l’autre qui nous poussent à rencontrer de nouveaux fournisseurs chaque jour.

Nous ciblons dès le départ des fournisseurs PME qui sont engagés dans une démarche de progrès social et environnemental. Ils ont pu avoir déjà obtenu un label, ou bien simplement vouloir sincèrement se lancer dans la démarche après avoir déjà mis en place certaines pratiques RSE, qu’il faut développer.

 

Pourquoi avoir choisi particulièrement ces métiers ?

Nous avons choisi ces métiers parce qu’il s’agit souvent d’activités précaires et « invisibilisées » car par nature ce sont des métiers dits “discrets”. C’est le fruit d’une réflexion menée suite au scandale de l’hôtel Ibis des Batignolles en 2019, groupe de renom qui employait un sous-traitant aux pratiques sociales douteuses.

Ce type de sous-traitance est souvent opaque, en particulier quand il s’agit d’apprécier les pratiques environnementales et sociales du fournisseur. L’asymétrie d’information entre le client et le fournisseur contribue à précariser les agents de prestation de service.

Nous avons donc souhaité travailler sur ces métiers pour donner plus de transparence, et contribuer à l’amélioration des conditions de travail dans la sous-traitance.

 

Y a-t-il besoin de faire preuve de pédagogie ou ces structures sont conscientes du besoin de changement et sont demandeuses d’accompagnement ?

Les fournisseurs sont généralement conscients du besoin de changement. Certains gérants ont orienté le développement de leur activité sur ces principes par conviction personnelle, d’autres y sont poussés par leurs clients.

Pour ces approches opportunistes, si elles permettent de mettre en place une démarche concrète améliorant les conditions salariales par exemple, alors allons-y !

On est toujours ravis de rencontrer un dirigeant volontariste pour faire évoluer ses pratiques, on sait qu’on pourra mettre en place des actions concrètes même si ça prend parfois un peu de temps. Nous sommes régulièrement sollicités pour les accompagner à concevoir une politique RSE et sa traduction en objectifs concrets et mesurables dans le temps, ou encore pour structurer des actions déjà existantes, qui manquent de visibilité.

 

Quels critères prenez-vous en considération lors du choix de ces prestataires ? et comment assurez-vous leur suivi ?

Globalement nous les analysons au travers des périmètres de la norme RSE ISO 26000 que nous avons adaptés pour chaque métier : la gouvernance, le respect de l’environnement, l’impact social, l’impact sur les communautés & le territoire, la relation client, la conformité et la loyauté des pratiques / relation fournisseurs. Et nous avons ajouté un 8ème critère sur la maitrise du risque sanitaire, qui est toujours d’actualité.

Nous évaluons l’activité du prestataire en fonction des enjeux spécifiques de son secteur d’activité. Par exemple, pour un prestataire de nettoyage on se penchera notamment sur les conditions de travail et les produits utilisés. A la différence d’un prestataire de sécurité qui sera questionné sur la formation de ses équipes, les équipements de protection individuelle ou encore le traitement animal.

  

Du côté des acheteurs, à quelle taille d’entreprise vous adressez-vous ?

Tout le monde est le bienvenu pour faire des achats responsables ! Nous répondons à la plupart des demandes qui nous parviennent, sauf pour des industries du type fabricant d’armes pour des raisons évidentes.

Les grands groupes se sont outillés pour réaliser des achats responsables depuis plusieurs années, même si l’environnement de travail en est encore parfois éloigné.

Les ETI savent qu’elles doivent s’y mettre et nous demandent du conseil pour structurer leurs achats indirects responsables (cf. la norme CSRD qui pourra les concerner).

Pour les PME cela se traduit par un élan porté par le dirigeant ou par une initiative personnelle du responsable des contrats fournisseurs, ou l’Office manager.

Dans tous les cas, quelle que soit la taille de l’entreprise et son secteur d’activité, les personnes en charge de ces achats peuvent trouver sur Orseo.fr leur prestataire engagé pour un besoin ponctuel comme pour un contrat récurrent, dans les principales villes de France.

Et là aussi il y a souvent besoin de pédagogie. Penser l’entreprise au service de la société et non l’inverse, c’est tourner le dos à des dizaines d’années de pratique du développement d’entreprise où on ne se souciait pas de l’impact ni social ni environnemental. Et c’est encore loin d’être la norme.

 

Quels services fournissez-vous aux entreprises à la recherche de fournisseurs ?

Orseo accompagne les entreprises dans la sélection de fournisseurs de services durables  tout au long du parcours d’achat : avant, pendant, après l’achat.

  • Avant l’achat : par l’évaluation RSE et le sourcing de prestataires fiables
  • Pendant l’achat : par la place de marché qui met en relation entreprises et fournisseurs souhaitant réaliser un achat responsable
  • Après l’achat : par l’application Bilan d’Impact qui permet de piloter le contrat fournisseur et son l’impact RSE concret

Et comme c’est un marché en transition, nous les accompagnons aussi par des missions conseil pour leur permettre de structurer leurs achats responsables. Nous faisons également de l’assistance à maitrise d’ouvrage pour les appels d’offres, de l’organisation de la consultation jusqu’à la sélection du prestataire, en passant par la rédaction du cahier des charges avec intégration de critères RSE métier.

 

Ce reporting est-il adapté aux besoins des rapports de durabilité ?

Ce qui n’est pas mesuré n’existe pas ! La donnée est au cœur des démarches RSE pour rendre compte de façon objective des efforts concrets qui sont faits. Notre outil permet aujourd’hui d’organiser la collecte d’indicateurs clefs opérationnels et RSE liés à l’activité des prestataires, contrat par contrat. On cherchera ainsi à suivre le ratio des produits écolabellisés utilisés, le volume de déchets collectés et/ou recyclés, les heures de formation des agents intervenant sur site, et aussi les heures supplémentaires, les incidents, etc.

On retrouve ainsi les thèmes environnements, sociaux et opérationnels, pour des informations rattachées au contrat qui concernent autant les responsables achats, de l’environnement de travail et les responsables RSE, tout comme les collaborateurs sur site qui bénéficient directement de la qualité du service rendu.

Ces données pourront être agrégées au format adéquat pour alimenter les rapports de durabilité imposés par la CSRD, c’est justement l’un de nos chantiers pour les semaines qui viennent.

 

Quels sont les principaux avantages pour les entreprises d’avoir recours à vos services ?

En utilisant Orseo l’entreprise source gratuitement ses fournisseurs, gagne du temps, et développe son impact positif concret.

Il est d’ailleurs plutôt facile de faire de l’impact concret à moindre frais dans l’environnement de travail, car les prestataires RSE ne sont pas forcément plus chers que les prestataires dits « conventionnels ».

 

Pourquoi s’être constitué  Entreprise de l’ESS (économie sociale et solidaire) ? Est-ce votre façon d’attester de vos engagements en terme de RSE ?

C’est surtout la vitrine de nos engagements respectifs à Nora et moi (le co-fondatrice d’Orseo Nora Ait Abdellah). C’est une structure juridique d’entreprise qui nous correspond parfaitement et qui est à l’image de notre souhait d’être utile en poussant la société à faire un pas vers un monde plus vivable.

Notre mission d’utilité sociale se résume ainsi : faciliter les achats responsables en améliorant l’impact sociétal de la sous-traitance, en rendant visibles les travailleurs invisibles, et en partageant un objectif de 0 travailleur précaire en entreprise. On invite tout le monde à rejoindre le mouvement !

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